Yasuni, un symbole des protecteurs de l’environnement bientôt victime de l’industrie pétrolière
C’est une information passée relativement inaperçue en France. Cet été, Rafael Correa, président de l’Equateur, a annoncé que le pétrole du parc naturel Yasuni serait prochainement exploité : un choc pour les défenseurs de la cause environnementale.
C’est une zone de près de 10 000 km², située au Nord-Est de l’Equateur et désignée « réserve de biosphère » en 1989 par l’UNESCO. Cette région, l’une des plus riches en termes de biodiversité (on y dénombre plus de 100 000 espèces d’insectes et plus de 2000 espèces d’arbres, ainsi que plusieurs dizaines d’espèces endémiques), abrite plus de 10 000 indigènes. Mais ce parc, situé dans l’Amazonie, possède en son sous-sol une richesse gigantesque : une quantité importante d’or noir, environ 20% du brut que possèderait l’Equateur, soit plus de 800 millions de barils estimés.
Une communauté internationale qui fait la sourde oreille, un président qui retourne sa veste
Pourtant, tel était l’engagement écologiste de Rafael Correa, président équatorien depuis 2007 : ne pas toucher au parc Yasuni. A l’heure du choix entre valeurs écologistes et pragmatisme économique, c’est ce dernier qui a remporté la bataille. Entre temps, Rafael Correa avait demandé via le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à tous les Etats du monde de donner de l’argent à l’Equateur afin de ne pas toucher à ce parc : tel était le but de l’initiative « Yasuni ITT », lancée en 2007. Mais les fonds attendus, destinés à compenser à hauteur de moitié la non-exploitation de ce sous-sol, ne sont jamais venus (moins de 0,5% des 3,6 milliards de dollars demandés), la communauté internationale ne répondant pas à cet appel à la solidarité. Dénonçant une « grande hypocrisie » mondiale, Rafael Correa a dû se résoudre le 15 août dernier à annoncer une exploitation raisonnable du sous-sol de cette région. Mais cette décision est bien triste, d’autant que le leader équatorien avait été élu avec l’appui des populations indigènes, qui représentent tout de même 25% de la population du pays. Les enjeux économiques sont, quant à eux, bien réels. Le pétrole, et ses 500 000 barils produits quotidiennement, représente déjà environ 40% des ressources économiques du pays, un pays dont plus du tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les craintes sont désormais bien réelles dans ce coin de nature jusque-là préservé. L’activité humaine générera à coup sûr une dénaturation du paysage par la construction de routes et de pipelines, mais aussi une pollution (notamment de l’eau) liée aux activités industrielles, sans oublier la déforestation et les désagréments que devront supporter les populations indigènes. Reste à savoir à qui sera confiée cette exploitation : sans doute pas à Texaco, condamné à plusieurs milliards de dollars d’amende après avoir pollué les terres équatoriennes durant des dizaines d’années… A moins que la demande d’un référendum, portée notamment par les autochtones, n’aboutisse ? Rien n’est plus improbable.